Droit social Les six principales erreurs à ne pas commettre dans le cadre d’un licenciement (secteur privé)
Publicatie datum
9 oktober 2024
Le licenciement d’un travailleur est parfois une option inévitable. L’employeur doit être attentif aux formalités liées à la rupture afin d’éviter que le licenciement soit plus risqué et/ou plus coûteux.
Ci-dessous, un « palmarès » des erreurs à éviter[1].
Première erreur : le licenciement est d’abord notifié par e-mail, puis, le lendemain, par recommandé
Il ne faut pas confondre le congé et le préavis :
- Le congé est l’acte qui met fin au contrat. Le congé ne doit pas respecter de formalité précise.
- Le préavis est la modalité qui accompagne ce congé. Le préavis doit nécessairement être notifié au travailleur par courrier recommandé (ou par exploit d’huissier).
Dans une volonté de « délicatesse » quant à l’annonce du licenciement, certains employeurs convoquent le travailleur à une réunion, lors de laquelle ils annoncent la « mauvaise nouvelle ». Un e-mail de confirmation est ensuite envoyé, comprenant une mention telle que « nous avons décidé de mettre fin au contrat de travail ce jour moyennant un préavis de x semaines ».
Cette notification « préalable » ne pose pas de problème à condition que le courrier recommandé soit envoyé concomitamment, c’est-à-dire le même jour. Si le recommandé est envoyé plus tard (le lendemain par exemple), la notification orale ou par e-mail sera la seule qui produira ses effets.
Quelles sont les conséquences pour l’employeur dans cette hypothèse ? Le travailleur peut valablement solliciter la rupture du contrat avec effet immédiat et le paiement immédiat de l’indemnité.
Deuxième erreur : le contenu de la notification est erroné ou incomplet
La lettre envoyée par courrier recommandé doit être datée et signée. Elle doit être envoyée à la dernière adresse communiquée par le travailleur. Elle doit mentionner la durée du préavis et sa prise de cours, sous peine de nullité.
Le préavis débutera toujours le lundi qui suit le troisième jour ouvrable qui suit l’envoi du recommandé. Pour faire simple et en principe : le mercredi est le dernier jour de la semaine possible pour envoyer le courrier recommandé si l’on souhaite que le préavis prenne cours le lundi de la semaine suivante. Attention toutefois aux jours fériés ! Par exemple, du fait du 1er novembre, un recommandé envoyé le mercredi 30 octobre ne prendra pas cours le lundi 4 novembre, mais bien le 11 novembre (même si celui-ci est férié !).
On précisera également qu’en droit du travail, le samedi est un jour ouvrable, même si l’entreprise ne fait pas habituellement travailler ses travailleurs le samedi.
Troisième erreur : la personne qui signe le courrier n’est pas compétente pour engager l’entreprise
La notification ne peut émaner que d’une personne compétente pour licencier au sein de l’entreprise, c’est-à-dire l’organe de gestion (conseil d’administration), ou la personne qui a expressément été mandatée à cette fin par ce dernier.
Si celui qui notifie le congé n’est pas l’employeur et qu’il ne peut prouver son mandat, le congé est en principe nul (Trib. trav. Huy, 17 novembre 1989, R.D.S., 1990, 58), sauf hypothèse de ratification ultérieure par la personne compétente (C. trav. Bruxelles, 7 février 1990, J.T.T., 1990, 445).
Quatrième erreur : l’ancienneté prise en compte pour le calcul du préavis n’est pas la bonne
L’ancienneté doit s’entendre comme « la période pendant laquelle le travailleur est demeuré sans interruption au service de la même entreprise »[2].
Cette période peut être le fruit de plusieurs contrats conclus successivement, qui n’interrompent en principe pas l’ancienneté. Seule une interruption réelle et significative durant un certain délai – et non « virtuelle » – viendrait interrompre l’ancienneté dans cette situation[3].
Des règles spécifiques sont prévues pour la période d’occupation antérieure en qualité d’intérimaire[4].
Bien entendu, les périodes de suspension du contrat de travail doivent également être prises en compte[5]. C’est donc notamment le cas des incapacités qui n’ont pas d’impact sur le calcul de l’ancienneté, aussi longues soient-elles.
Enfin, l’employeur devra être attentif à prendre en considération l’éventuelle ancienneté conventionnelle conclue au moment de l’entrée en service. L’employeur sera d’autant plus attentif lorsqu’il n’a pas participé aux négociations précontractuelles (par exemple dans le cas d’un travailleur issu d’un transfert conventionnel d’entreprise).
Si l’employeur n’a pas repris l’ancienneté correcte du travailleur et que par conséquent, la durée du préavis est trop courte, l’employeur sera redevable d’une indemnité complémentaire visant à compenser le préavis manquant qui aurait dû être presté.
Cinquième erreur : le double délai en cas de licenciement pour motif grave n’est pas respecté
Dans la situation d’un licenciement pour motif grave (sans préavis ni indemnité), des formalités et délais stricts doivent être respectés[6] :
- Notification du congé pour motif grave : trois jours ouvrables à partir de la connaissance suffisante des faits par l’employeur ;
- Notification des motifs, impérativement par recommandé : trois jours ouvrables à partir de la notification du congé.
Illustration :
- Lundi : connaissance suffisante du fait reproché
- Jeudi : dernier jour ouvrable pour notifier le congé
- Lundi qui suit : dernier jour ouvrable pour envoyer par courrier recommandé la notification des motifs (si le congé a été notifié le jeudi)
Attention également aux jours fériés et jours non ouvrables dans ce calcul !
En cas d’erreur, le licenciement sera considéré comme irrégulier et l’employeur sera redevable d’une indemnité compensatoire de préavis.
Sixième erreur : la protection contre le licenciement n’a pas été vérifiée en amont
Il existe en droit du travail belge des protections contre le licenciement. Elles sont dites « absolues » ou « relatives ».
D’abord, il est absolument interdit de licencier tout délégué (ou candidat délégué) du personnel au conseil de l’entreprise (CE) ou au comité pour la prévention et la protection du travail (CPPT), sous peine de sanctions très lourdes (jusqu’à, théoriquement 8 années de rémunération !)[7].
Cette protection absolue ne connaît que deux exceptions, difficilement mises en œuvre : un motif grave préalablement admis par les juridictions du travail ou des raisons d’ordre économique ou technique préalablement reconnues par la commission paritaire compétente.
Ensuite, diverses protections dites « relatives » interdisent le licenciement lorsque celui-ci est directement lié à la raison-même de la protection instaurée. Sont notamment visées, les protections des femmes enceintes, des travailleurs en congé de naissance ou d’adoption, des conseillers en prévention, des travailleurs en crédit-temps/congé thématique/congé éducation-payé, les membres de la délégation syndicale, les lanceurs d’alerte, le travailleur ayant fait une demande de travail flexible …
Sont également protégés les travailleurs qui ont dénoncé des comportements de violence ou de harcèlement moral au travail à caractère non discriminatoire[8] (demande d’intervention psychosociale formelle, dépôt d’une plainte à l’inspection du Contrôle du Bien-être au travail, à la police ou devant des magistrats pour des raisons déterminées, introduction d’une action en justice ou témoignages) ou qui ont dénoncé des comportements de violence ou de harcèlement moral liés à un critère de discrimination ou des faits de harcèlement sexuel[9] .
Ces protections sont dites « relatives », en ce qu’elles n’interdisent pas un licenciement pour des motifs étrangers à la protection visée.
Il n’y a pas de sanction uniforme en cas de non-respect de ces protections, mais la sanction de 6 mois de rémunération, en plus de l’indemnité de rupture, est la plus usuelle.
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Notre département en droit du travail est à votre écoute et sera ravi de vous aider en cas de questions ou d’accompagnement sur cette thématique.
Elsa Mélon (elsa.melon@moov.law) et Hélène Djaoudi (helene.djaoudi@moov.law)
[1] La question de la motivation du licenciement et du caractère manifestement déraisonnable au sens de la CCT n°109 et/ou abusif n’est pas abordée.
[2] Art. 37/4, al. 2 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.
[3] Trib. trav. fr. Bruxelles, 25 février 2020, R.G. n°19/608/A, disponible sur www.terralaboris.be.
[4] Cette période doit être prise en compte pour un maximum d’un an (en sachant que toute période d’inactivité inférieure ou égale à sept jours est considérée comme une période d’occupation en qualité d’intérimaire). Ce principe ne s’applique qu’à condition que l’engagement du travailleur suive la période durant laquelle il a travaillé en tant qu’intérimaire et que la fonction exercée depuis son engagement soit identique à celle exercée en tant qu’intérimaire.
[5] Voy. not. Cass., 28 juin 1982, Pas., 1982, I, 1284.
[6] Cette double notification peut aussi se faire dans un seul et même courrier recommandé.
[7] Loi du 19 mars 1991, portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d’entreprise et aux comités de sécurité, d’hygiène et d’embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel. Une attention particulière doit être portée aux membres de la délégation syndicale : à défaut d’institution de CPPT au sein de l’entreprise, les membres de la délégation syndicale qui exercent les missions dévolues au CPPT bénéficient de la même protection.
[8] En vertu de l’article 32terdecies de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail.
[9] En vertu des législations anti-discrimination telles que la loi du 10 mai 2007 visant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes, la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination et la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie.