Insolvency La loi du 30 octobre 2022 : introduction d’un nouveau moratoire en faveur des entreprises « grandes consommatrices d’énergie » en difficulté.
Publication date
18 November 2022
Ce 3 novembre 2022 entrait en vigueur la loi du 30 octobre 2022 portant des mesures de soutien temporaires en matière de saisie et de faillite en faveur des entreprises « grandes consommatrices d’énergie ». Elles s’inscrivent dans le contexte actuel économique et social particulièrement difficile en raison de l’inflation et de la hausse des prix de l’énergie.
Voici un bref aperçu des conditions d’octroi et des mesures d’aide adoptées par le législateur :
I. Conditions d’octroi : quelles entreprises sont concernées ?
Les mesures d’aide s’appliquent uniquement aux entreprises « grandes consommatrices d’énergie » en difficulté, définies par le législateur comme « les entreprises qui tombent sous le champ d’application du livre XX du Code de droit économique et dont le risque de discontinuité résulte principalement de l’augmentation des prix de l’énergie entre le 24 février 2022 et le 31 décembre 2022 ».
En d’autres termes, pour être considérée comme une entreprise grande consommatrice d’énergie en difficulté, l’entreprise doit répondre cumulativement aux conditions suivantes :
1° Elle ne doit pas avoir cessé ses paiements de manière persistante en date du 24 février 2022 ;
2° L’achat de produits énergétiques et d’électricité[1] de l’entreprise doit avoir atteint au moins 3 % de la valeur ajoutée[2] en 2021 ;
3° L’entreprise a payé au cours des trois derniers mois qui ont précédé l’entrée en vigueur de la loi (à savoir les mois d’aout, septembre et octobre 2022) un prix d’énergie[3] qui a au moins doublé par rapport au prix d’énergie payé en moyenne entre le 1er janvier 2021 et le 30 septembre 2021 ;
4° L’entreprise n’a pas de dettes fiscales ou sociales échues et exigibles, à l’exception de celles qui sont couvertes par un plan d’apurement. Il n’est pas tenu compte des dettes fiscales inférieures ou égales à un montant total de 1.500 euros ni de celles dont l’existence ou le montant fait l’objet d’un contentieux pour lequel une décision définitive n’est pas intervenue ;
5° L’entreprise doit avoir été constituée avant le 24 février 2022.
L’entreprise qui réunit ces conditions pourra bénéficier des mesures d’aide, indépendamment de son chiffre d’affaires, de sa taille ou du nombre de travailleurs.
II. Saisie mobilière
Le législateur permet à l’entreprise « grande consommatrice d’énergie » dont les biens sont saisis en raison de dettes contractées pour l’achat de produits énergétiques effectués après le 24 février 2022, d’en demander la mainlevée auprès du Juge des saisies.
Cette faculté de demander la mainlevée n’est ouverte qu’en cas de saisie mobilière et non pas immobilière.
Enfin, bien que non précisé dans la loi du 30 octobre 2022, il ressort des travaux préparatoires que la mesure d’aide couvre non seulement les saisies exécutoires mais également les saisies conservatoires.
III. Faillite
L’entreprise « grande consommatrice d’énergie » en difficulté ne pourra plus être déclarée en faillite sur citation ou, être dissoute judiciairement, selon le cas, sauf si :
- La citation est de l’initiative du ministère public ou de l’administrateur provisoire désigné par le Président du Tribunal de l’Entreprise en application de l’article XX.32 du Code de droit économique; ou
- L’entreprise est renvoyée en dissolution par la Chambre des entreprises en difficulté; ou
- L’entreprise elle-même ne s’oppose pas à la faillite.
Dans tous les autres cas, l’entreprise citée en faillite disposera d’un délai de quinze jours à compter de l’audience d’introduction pour apporter la preuve qu’elle est une entreprise « grande consommatrice d’énergie » en difficulté.
Ce délai de quinze jours pourra être prolongé par le Tribunal de l’Entreprise, d’initiative ou sur demande de l’entreprise elle-même.
L’entreprise qui ne comparait pas à l’audience d’introduction ou à la première audience à laquelle le dossier aura été remis sera présumée ne pas être une entreprise « grande consommatrice d’énergie » en difficulté et risquera dès lors, d’être déclarée en faillite.
Enfin, l’obligation de faire aveu de faillite est suspendue pour les entreprises « grandes consommatrices d’énergie » en difficulté si la réalisation des conditions de la faillite est due à l’augmentation des prix de l’énergie.
Cela n’affecte cependant pas la possibilité pour l’entreprise de faire aveu de faillite volontairement si c’est l’option la plus appropriée.
IV. Entrée en vigueur
Ces mesures ont néanmoins un caractère temporaire puisqu’elles sont entrées en vigueur ce 3 novembre 2022 et prendront fin le 31 décembre 2022, sauf renouvellement décidé par le Roi.
Nous suivrons bien entendu de près ces évolutions, et nous tenons à votre pleine disposition pour vous conseiller à ce sujet.
Hélène de Maere d’Aertrycke
Avocate
Helene.demaere@moov.law
[1] Par « achat de produits énergétiques » : le législateur entend les coûts réels de l’énergie que l’entreprise a achetée ou produite.
[2] Par « achat de produits énergétiques » : le législateur entend les coûts réels de l’énergie que l’entreprise a achetée ou produite.
[3] Par « prix de l’énergie » : le législateur entend le prix du gaz, de l’électricité, du charbon, du bois et du pétrole facturé par les fournisseurs d’énergie à leurs clients directs et aux consommateurs finaux.