Insolventierecht

La procédure de réorganisation judiciaire privée : comment peut-elle aider mon entreprise tout en préservant celle-ci d’une publicité qui peut s’avérer néfaste ?

Publicatie datum

21 mei 2025

Depuis le 1er septembre 2023, les entreprises en difficulté peuvent solliciter l’ouverture de procédures de réorganisation judiciaire privée (ci-après « PRJ privée »).

Tout comme la procédure de réorganisation judiciaire publique (ci-après la « PRJ publique »), la PRJ privée a pour objectif de préserver la continuité des entreprises en difficulté. Néanmoins, elle se fait dans un cadre confidentiel, dans la mesure où elle ne fait l’objet d’aucune publication au Moniteur belge, ce qui permet à l’entreprise de bénéficier de l’aide, sans que celle-ci ne soit accompagnée d’une publicité qui peut s’avérer néfaste.

Nous proposons ci-après un aperçu synthétique des principales différences entre la PRJ publique et la PRJ privée, qui peuvent revêtir deux formes distinctes :

  • La PRJ par accord amiable : elle vise à permettre la conclusion d’un accord amiable avec un ou plusieurs créanciers ;
  • La PRJ par accord collectif : elle vise à permettre l’obtention d’un plan de réorganisation judiciaire avec l’intégralité des créanciers.

I. Publicité >< confidentialité

    La PRJ publique fait l’objet d’une publication au Moniteur belge, ce qui en assure la publicité officielle et la rend accessible aux tiers.

    À l’inverse, la PRJ privée se caractérise par sa confidentialité : aucune publication au Moniteur belge n’est effectuée, de sorte que la procédure demeure strictement interne aux parties concernées.

    II. Sursis généralisé >< sursis ciblé

      Dans le cadre d’une PRJ publique, l’ouverture de la procédure par le tribunal s’accompagne automatiquement de l’octroi d’un sursis généralisé d’une durée maximale de quatre mois. Cette suspension collective des voies d’exécution constitue un outil de protection immédiat, particulièrement utile en présence de créanciers agressifs.

      En revanche, la PRJ privée ne prévoit aucun sursis automatique. Toutefois, le praticien de la réorganisation peut introduire une demande de sursis ciblé auprès du tribunal. Celui-ci n’est accordé que si la demande est suffisamment motivée par les circonstances de l’entreprise et l’état d’avancement des négociations. Lors de l’examen de la requête, le tribunal devra apprécier la mesure au regard de l’intérêt général ainsi que du préjudice éventuel causé aux créanciers concernés.

      III. La désignation d’un praticien de la réorganisation

        Sauf exception, aucun praticien de la réorganisation n’est désigné dans le cadre des PRJ publiques. Dans la pratique, les négociations se font souvent par l’intermédiaire de l’avocat mandaté par l’entreprise en difficulté.

        En matière de PRJ privées, un praticien de la réorganisation sera désigné par le Tribunal, lequel sera notamment chargé de  :

        • se documenter sur la situation comptable et financière de l’entreprise ;
        • négocier avec les créanciers ;
        • informer fidèlement les créanciers.

        En qualité de tiers neutre, le praticien dispose d’une certaine légitimité pour négocier.

        IV. En conclusion

          Ces deux procédures poursuivent un objectif commun : permettre à une entreprise confrontée à des difficultés financières mettant en péril sa continuité de négocier un accord avec tout ou partie de ses créanciers, dans le but d’assainir sa situation économique. Toutefois, si l’objectif est identique, les moyens pour y parvenir sont relativement différents.

          La PRJ publique est particulièrement efficace en présence de créanciers agressifs. Par ailleurs, en l’absence de praticien de la réorganisation judiciaire, elle offre également à l’entreprise une certaine autonomie dans la conduite des négociations. Toutefois, son principal inconvénient réside dans sa publicité : la publication de la procédure au Moniteur belge peut gravement entamer la confiance des partenaires commerciaux, des fournisseurs, des clients et des investisseurs, avec un risque de fragilisation supplémentaire pour l’entreprise.

          À l’inverse et afin de pallier cet inconvénient, la PRJ privée se réalise donc dans une totale confidentialité. Seuls les créanciers directement concernés par la procédure sont tenus informés de celle-ci par l’intermédiaire du praticien de la réorganisation, ce qui évite une perte de confiance généralisée. La « contrepartie » de cette confidentialité se traduit par l’absence de sursis généralisé et par la désignation d’un praticien de la réorganisation.  

          En définitive, la PRJ publique comme la PRJ privée peuvent constituer des outils puissants pour sauvegarder la continuité d’une entreprise en difficulté. Le choix de l’une ou l’autre dépendra étroitement des circonstances propres à chaque situation, et impose une analyse préalable approfondie afin d’identifier la stratégie la plus adaptée aux besoins et aux contraintes de l’entreprise concernée.

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          Notre département en droit de l’insolvabilité est à votre écoute et sera ravi de vous aider en cas de questions ou d’accompagnement sur cette thématique.

          Guillaume Stoop

          Avocat portant le titre de spécialiste en droit des entreprises en difficulté

          Yannice Keddar
          Avocat

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