Droit social

Alcool au travail : obligations de l’employeur et échos de la pratique

Publication date

3 August 2023

Le bien-être des travailleurs est aujourd’hui un aspect essentiel du travail. Il s’agit d’un facteur décisif dans le cadre des objectifs d’une entreprise à court et long terme : limiter l’absentéisme, diminuer les accidents et les maladies professionnelles et instaurer un cadre de travail sain et attractif.

L’alcool au travail est un des aspects du bien-être au travail qu’il ne faut pas négliger. 

Quelles sont les obligations des employeurs du secteur privé et quels sont les conseils à donner à ces derniers ?

1. Obligations de l’employeur

Cadre et objectifs

Depuis 2010 et l’entrée en vigueur de la convention collective de travail n° 100 (CCT n° 100), les employeurs doivent développer une politique préventive en matière d’alcool et de drogue.

Cette politique préventive fait partie intégrante de la politique du bien-être qui doit être mise en œuvre dans chaque entreprise conformément à la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail. 

Politique concrète, établie en concertation

Les partenaires sociaux ont précisé que la CCT n°100 n’avait pas pour but de proposer une politique « toute faite » en matière d’alcool.

Chaque entreprise est différente et l’utilisation de l’alcool peut engendrer des risques différents et plus ou moins importants en fonction de la nature des activités, de la présence de personnes qui occupent un poste de sécurité ou un poste de vigilance[i], etc.

La politique doit être élaborée en concertation avec les acteurs du bien-être au sein de l’entreprise (notamment les services interne/externe pour la prévention et protection au travail, le comité pour la prévention et la protection au travail et le conseil d’entreprise dans les limites de leurs compétences respectives). A cet égard, pour aider les employeurs à définir leur politique en faisant appel aux bons intervenants au sein de l’entreprise, le Conseil National du Travail a édité le « Guide pour l’élaboration d’une politique préventive en matière d’alcool et de drogue dans l’entreprise » mis à jour en 2020.

Deux phases

Dans une première phase obligatoire, l’employeur doit soumettre les points de départ et les objectifs de la politique en matière d’alcool et de drogues dans son entreprise, et doit établir une déclaration de politique ou d’intention en la matière, à publier dans le règlement de travail.

Dans une deuxième phase facultative, l’employeur peut déterminer les mesures qui constituent une concrétisation plus poussée de la politique qu’il devra également faire figurer dans le règlement de travail.

Cette concrétisation peut couvrir (cf. article 3, §4 de la CCT n° 100) :

  1. Les règles qui concernent la disponibilité de l’alcool au travail, le fait d’en apporter et la consommation (permis ou non, dans quels cas, etc) ;
  2. Les procédures à suivre en cas de constatation d’un dysfonctionnement ou d’une transgression aux règles ;
  3. La procédure en cas de constatation d’une incapacité d’un travailleur ;
  4. Les modalités pratiques lorsque l’employeur souhaite soumettre des travailleurs à des tests de dépistage d’alcool.

2. Echo de la pratique et conseils

Lorsqu’ils établissent leur règlement de travail, de nombreux employeurs se limitent à implémenter les points de départ et les objectifs de la politique ainsi que la déclaration de politique, soit la première phase obligatoire.

C’est d’ailleurs souvent cette première partie de la politique qui est proposée comme un « modèle », communiqué aux employeurs lors de l’établissement du règlement de travail.

Si les employeurs adaptent parfois cette déclaration de politique, rares sont ceux qui la concrétisent (cf. phase 2).

Or cette concrétisation doit être encouragée en ce qu’elle permet de prévenir et de régler les problèmes ponctuels liés à l’alcool de manière efficace et pragmatique.

Le but de cette concrétisation est de donner aux différents intervenants confrontés à une situation problématique une réelle marche à suivre.

Par exemple, en cas d’ivresse manifeste lors d’un drink d’entreprise, des simples déclarations d’intention ne seront d’aucune aide. Si, au contraire, la politique est concrétisée, un·e collaborateur·rice saura :

  • Comment réagir en cas de problème (appeler un supérieur hiérarchique / la personne de confiance / isoler un·e collaborateur·rice problématique pour éviter tout incident avec ses collègues, etc) ;
  • Comment gérer l’incapacité de son collègue (le raccompagner ou appeler un taxi par exemple)
  • Comment effectuer un suivi porté sur le bien-être du collaborateur (renseigner des aides adéquates, organiser un entretien de suivi, proposer une rencontre avec le conseiller en prévention médecin du travail, etc).

Ces mesures précises éviteront également à l’employeur de prendre à tort des sanctions, pouvant aller jusqu’au licenciement pour motif grave, à l’encontre d’un·e collaborateur·rice qui s’avèrerait rencontrer un réel problème de santé lié à l’alcool. Le licenciement d’un travailleur luttant contre l’alcoolisme revient à un licenciement sur base de son état de santé, ce qui serait discriminatoire et … lourdement sanctionné.

Comme toujours dans le cadre du bien-être au travail : prévenir (concrètement) avant de guérir reste la meilleure des politiques.

Nous pouvons bien entendu vous conseiller utilement sur les démarches à entreprendre pour la mise en place d’une politique efficace au sein de votre entreprise.

Hélène Djaoudi

helene.djaoudi@moov.law

Avocate


[i] Au sens de l’article I.4-1 du Code du bien-être au travail.

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