Insolventierecht

Le gouvernement envisage à nouveau de réduire le nombre de faillites en les remplaçant par des dissolutions judiciaires avec clôture immédiate

Publicatie datum

11 maart 2022

Nous avons pris connaissance de l’avant-projet de loi transposant la directive (UE) 2019/1023 ayant notamment pour objectif d’améliorer les procédures de structuration et d’insolvabilité, et portant diverses dispositions en matière d’insolvabilité en droit belge, parmi lesquelles certaines visent à encourager le recours aux dissolutions judiciaires pour liquider les sociétés en état de faillite.

C’est la troisième fois que le gouvernement envisage de proposer au législateur d’adopter un texte de loi qui permettrait aux Tribunaux de l’Entreprise de prononcer des dissolutions judiciaires avec clôture immédiate, en lieu et place des faillites.

La dernière tentative remonte à 2020 et avait été très largement critiquée par le collège des curateurs bruxellois.

L’objectif poursuivi par le gouvernement était – notamment – de réduire les coûts engagés par l’Etat pour l’administration des faillites sans actif, lorsque les entreprises en état de faillite étaient des « coquilles vides ».

Néanmoins, la motivation du gouvernement est réductrice, car elle fait fi de toutes une série d’éléments qui nous paraissent indéniablement devoir être soulignés, la liste n’étant pas exhaustive :

  • Sans une analyse approfondie de l’entreprise, notamment quant à sa comptabilité, il est difficile d’affirmer avec certitude que l’on se retrouve face à une « coquille vide ». Autrement dit, sans désignation d’un praticien de l’insolvabilité chargé de liquider l’entreprise, certains actifs pourraient se retrouver « dans la nature » et ne pas profiter aux créanciers ;
  • Dans la masse des faillites et des liquidations avec désignations de liquidateurs, l’Etat et les créanciers recouvrent des montants importants ;
  • L’augmentation des dissolutions judiciaires avec clôture immédiate favoriserait indéniablement l’impunité dans les situations d’insolvabilité qui peuvent s’avérer frauduleuses, et ce dans la mesure où aucun praticien de l’insolvabilité ne serait désigné pour analyser l’état de l’entreprise ni les éventuelles fautes qui auraient été commises par les administrateurs. Un administrateur qui aurait détourné de l’actif pourrait ainsi poursuivre son activité frauduleuse, avec une autre entreprise, en toute impunité, et au détriment de nouveaux créanciers (dont l’Etat).

Un autre objectif de l’avant-projet de loi pourrait être de soigner les statistiques du gouvernement, en limitant artificiellement le nombre de faillites liées aux crises actuelles. À ce propos, d’autres mécanismes artificiels semblent d’ailleurs déjà être utilisés par l’ONSS et le SPF FINANCES, puisque le nombre annuel de faillites aurait diminué entre 2019 et 2021, ce qui ne correspond pas à la réalité économique.

Selon nous, une telle réforme n’est souhaitable pour personne : ni pour l’Etat, qui semble aveuglé par les chiffres facilement observables (i.e. le coût des faillites), mais qui nie l’impact durable d’une telle réforme sur son patrimoine et sur l’économie dans son ensemble ; ni pour les créanciers, qui se verraient contraints d’engager de nouveaux frais pour s’opposer à une dissolution judiciaire avec clôture immédiate, et sans désignation de liquidateur. Le tout, sans assurance pour ces derniers de récupérer leurs créances, ni les frais exposés.

Finalement, il nous semble qu’une telle réforme profiterait surtout aux dirigeants mal intentionnés qui y trouveront une nouvelle possibilité de passer entre les mailles du filet.

Guillaume Stoop
Avocat et curateur

Guillaume.stoop@moov.law 

             

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