Energierecht

Réforme du marché de l’énergie bruxellois : quid novi ?

Publicatie datum

5 juli 2022

Les citoyens, pouvoirs publics et entreprises peuvent dorénavant se réunir en communautés pour produire et consommer ensemble une énergie renouvelable locale à un tarif plus avantageux dans la Région de Bruxelles-Capitale. Au-delà de cette avancée, d’autres aspects ont été introduits par l’ordonnance du 17 mars 2022 et sont brièvement présentés ci-dessous.

Contexte

En 2018 et 2019, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté deux directives relatives à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et à l’organisation du marché intérieur de l’électricité :

  • la directive 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables ; et
  • la directive 2019/944 du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité.

Ces deux directives font partie d’un paquet législatif européen surnommé « Clean Energy Package » dont l’ambition est d’adapter le cadre légal pour répondre aux enjeux de la transition énergétique et atteindre les engagements de l’Accord de Paris (COP 21 – 2015).

Afin de transposer ces deux directives (partiellement pour la première), le Parlement et le Gouvernement bruxellois ont adopté l’ordonnance du 17 mars 2022.

Quels sont les principaux apports de cette ordonnance ?

Cette ordonnance :

  • reconnaît l’existence d’un nouvel acteur du marché de l’électricité – la « communauté d’énergie » et pose un cadre opérationnel pour l’émergence de ce nouveau type d’acteur ;
  • encadre les activités émergentes sur le marché de l’électricité (recharge de véhicules électriques, le partage de l’électricité autoproduite, la flexibilité, l’agrégation, et le stockage d’électricité) ;
  • accorde de nouveaux droits au client final, dont celui de devenir un « client actif » (voir ci-dessous pour plus de détails), de pouvoir changer de fournisseur en 24h à partir de 2026 (contre 3 semaines actuellement), d’avoir plusieurs contrats de fourniture, d’accéder à ses données et de les partager avec des tiers ;
  • complète les modalités du déploiement des compteurs intelligents sur le territoire bruxellois ;
  • complète les missions de Brugel, l’autorité bruxelloise de régulation dans les domaines de l’électricité, du gaz et du contrôle du prix de l’eau ;
  • introduit un mécanisme de traçabilité du gaz d’origine renouvelable : la garantie d’origine (comme c’est déjà le cas pour l’électricité).

Focus sur les communautés d’énergie

Les communautés d’énergie peuvent exercer un large panel d’activités. Ainsi, elles peuvent produire, consommer, stocker, fournir et partager de l’électricité. Elles peuvent également participer à des services d’agrégation, fournir des services de flexibilité, des services énergétiques et des services de recharge pour véhicules électriques.

Une communauté d’énergie pourra se décliner sous trois formes : citoyenne (CEC), renouvelable (CER) ou locale (CEL).

Chaque forme se distingue selon les activités que la communauté pourra exercer, les catégories de personnes qui pourront y participer, les catégories de membres qui pourront la contrôler. Dans tous les cas, ces communautés se distinguent d’autres acteurs par le fait qu’elles doivent poursuivre l’objectif principal de procurer des bénéfices environnementaux, sociaux et économiques à leurs participants et à la Région de Bruxelles-Capitale. En cela, la communauté d’énergie ne peut pas poursuivre un but purement lucratif. Les trois types de communauté devront consister en une personne morale. Au vu de l’objectif non exclusivement lucratif, les formes privilégiées seront certainement les ASBL et sociétés coopératives.  Notons qu’il est également possible d’utiliser une entité juridique existante en adaptant ses statuts pour que son objet social et ses activités correspondent aux objectifs nécessairement poursuivis par une communauté d’énergie.

Les exigences relatives à la propriété des installations varient selon le type de communauté.  Pour la CEC et la CER, la communauté devra être propriétaire des installations. Quant à la CEL, la communauté pourra être propriétaire des installations, ou bien un ou plusieurs de ses membres sont propriétaires des installations de production ou bénéficient d’un doit d’usage sur celles-ci. Ceci permet la participation des installations de production existantes et des installations de production financées par un tiers-investisseur.

Les participants à une activité d’une communauté d’énergie devront chacun conclure une convention avec ladite communauté d’énergie, portant sur ses droits et obligations, dont la teneur minimale est fixée à l’article 28quattuordecies de l’ordonnance.

Toute communauté est soumise à l’obtention d’une autorisation de Brugel pour le lancement de ses activités.

En marge des communautés d’énergie, l’ordonnance permet néanmoins aussi à des clients dits ‘actifs’ d’agir seuls (échange de pair à pair) ou conjointement et partager (vendre et acheter) l’électricité autoproduite (souvent dénommé « autoconsommation collective »). Pour l’échange de pair à pair, les deux clients actifs doivent être raccordés au même réseau. Pour le partage, les participants doivent occuper le même bâtiment, y compris en tant que locataire, le cas échéant. Cela sera typiquement le cas des copropriétés qui disposent de panneaux photovoltaïques, voire de mini-éoliennes en toiture.

Dans les deux cas de figure, une convention sera également requise.  L’ordonnance fixe uniquement les principes pour la convention requise dans le cadre du partage (article 13bis §8). Le Gouvernement pourra d’ailleurs compléter le contenu minimal de la convention.

Quels sont les bénéfices escomptés de cette ordonnance ?

L’ordonnance permet l’émergence de nouveaux modèles économiques, centrés sur l’intérêt du consommateur. Ce dernier devrait avoir accès à une électricité potentiellement moins chère et dont le prix est moins volatil.

Au niveau du marché, le cadre législatif devrait permettre de décentraliser et de diversifier la production, d’augmenter l’auto-consommation, d’exploiter davantage le potentiel solaire bruxellois et encourager la flexibilité, l’efficacité et la sobriété énergétique, maintenir l’équilibre du réseau et sécuriser l’approvisionnement.

L’ordonnance est entrée en vigueur le 30 avril 2022. Notons que la méthodologie tarifaire et le règlement technique doivent encore être adoptés.

N.B. : Le 23 juin 2022, le Gouvernement wallon a adopté en première lecture un avant-projet d’arrêté relatif aux communautés d’énergie et partage d’énergie, visant à préciser les questions de gouvernance, d’autonomie, de création et de fonctionnement des communautés d’énergie ou de partage d’énergie dans un même bâtiment. L’avant-projet doit encore recevoir l’avis de l’Autorité de protection des données et d’une série de partenaires avant de repasser en seconde lecture au Gouvernement. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés à l’occasion d’une publication ultérieure.

Arthur Jamar de Bolsée

Avocat

arthur.jamar@moov.law

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