Droit des contrats

Comment s’assurer de l’opposabilité des conditions générales entre entreprises ?

Publication date

22 April 2022

Outre le fait de s’être doté de conditions générales de vente ou de prestations de services, encore faut-il s’assurer de leur opposabilité. Il ne suffit en effet pas d’avoir des conditions générales sur son site internet ou de reprendre un lien vers ces dernières sur sa facture pour qu’elles soient d’office appliquées et opposables. La jurisprudence avait déjà eu l’opportunité de s’exprimer plusieurs fois sur la question. Le livre 5 du nouveau Code civil vient rappeler ces principes.

Deux conditions doivent être remplies

Pour que les conditions générales soient opposables, deux conditions doivent être remplies. La première condition est la connaissance des conditions générales, la seconde condition est l’acceptation de celles-ci. Pour remplir la première condition, il suffit que le cocontractant ait eu la possibilité (réelle et raisonnable) d’avoir effectivement pu prendre connaissance des conditions générales avant d’être lié par celles-ci ou au plus tard lors de la conclusion du contrat. Pour la seconde, il faut que l’acceptation soit certaine mais elle peut néanmoins être expresse ou tacite.

Alors que ceci n’était pas régi par la loi, le livre 5 du nouveau Code civil, adopté ce 21 avril 2022 mais qui entrera prochainement en vigueur, prévoit à présent expressément en son article 5.23 que :

« L’inclusion des conditions générales d’une partie dans le contrat requiert leur connaissance effective par l’autre partie ou, à tout le moins, la possibilité pour celle-ci d’en prendre effectivement connaissance, ainsi que leur acceptation. (…) »

Il est donc essentiel, même dans les relations B2B, de pouvoir prouver que l’autre partie a eu l’occasion de prendre connaissance des conditions générales et que celles-ci ont été acceptées (même tacitement). Cette acceptation peut se traduire par exemple par :

  • le fait d’avoir coché une case spécifique qui indique « j’accepte les conditions générales » dans le cadre d’un contrat conclu à distance et de prévoir un lien direct vers les conditions générales (en format téléchargeable) ;
  • une signature en bas des conditions générales ou sur un document (offre ou bon de commande) qui y fait explicitement référence et indiquant où elles sont consultables ;
  • un silence circonstancié (par exemple : l’absence de contestation des conditions générales dans leur ensemble ou de certaines de leurs clauses après leur remise effective ou après le renvoi à un lien permettant effectivement de prendre connaissance des conditions générales dans leur ensemble, une exécution du contrat après la remise des conditions générales, une acceptation de l’offre au dos de laquelle se trouvent les conditions générales, etc…).

Le cas des conditions générales au verso de factures non contestées dans le contexte B2B

Pour les achats et les ventes entre entreprises en relation d’affaires suivies et régulières, la jurisprudence a néanmoins admis, à de nombreuses reprises, qu’en l’absence de contestation de la facture à bref délai, les conditions qui figurent au verso de la facture font partie, dès la conclusion du contrat, de l’accord (verbal) dont la facture et les conditions générales en sont le reflet ou la confirmation écrite.

Quid en cas de renvoi des deux parties à leur propres conditions générales (d’achat et/ou de vente) ?

Ce problème qualifié de « Battle of forms » n’a longtemps pas été réglé par la loi. Le livre 5 du nouveau Code civil vient clarifier la donne et mettre fin à des incohérences jurisprudentielles sur la question ainsi qu’à des théories établies par la doctrine sur ce point.

Le principe est à présent que lorsque l’offre et l’acceptation renvoient à des conditions générales différentes : le contrat se forme néanmoins. Chacune des conditions générales fait partie du contrat, à l’exception des clauses incompatibles.

Par dérogation à ce qui précède, le contrat ne se forme pas si, préalablement ou sans retard injustifié après l’acceptation, une partie indique expressément, et non au moyen de conditions générales, qu’elle ne veut pas être liée par un tel contrat.

Le nouvel article 5.23 du Code civil résout ainsi le problème du conflit de conditions générales (« battle of forms ») et opte pour la règle de l’élimination des clauses incompatibles (“knock-out”), longtemps discutées par la doctrine.

Attention aussi à la nullité des clauses abusives même dans les contrats B2B

Depuis le 1er décembre 2020 et l’entrée en vigueur de la loi du 4 avril 2019 instaurant les articles VI.91/1 et suivants dans le Code de droit économique, il faut également faire attention aux clauses abusives qui seraient présentes dans des conditions générales. Ces clauses seraient en effet frappées de nullité, même lorsque les conditions générales sont considérées comme opposables !

Les clauses abusives sont les clauses qui créent un déséquilibre manifeste entre les parties professionnelles à un contrat, dont par exemple :

A. Les clauses interdites suivantes, qualifiées de « clauses noires » :

  • une partie est tenue par un engagement irrévocable alors que l’exécution des prestations de l’autre partie est soumise à une conditions dont la réalisation dépend de sa seule volonté ;
  • une partie se réserve le droit unilatéral d’interpréter le contrat conclu ;
  • une partie renonce à l’avance à tout recours contre l’autre partie ;
  • il est constaté qu’une partie a adhéré à des principes et conditions dont elle n’a pourtant pas eu l’occasion de prendre connaissance.

B. Les clauses présumées abusives suivantes (mais pour lesquelles il est possible de prouver qu’elles ne le sont pas effectivement), qualifiées de « clauses grises », :

  • une entreprise s’arroge le droit de modifier unilatéralement le prix et les conditions du contrat, et ce sans raison valable ;
  • l’entreprise s’arroge le droit de se dégager de toute responsabilité, de sa faute grave intentionnelle (dol) ou même de sa faute lourde ;
  • les clauses qui lient les parties sans un délai raisonnable pour résilier le contrat ;
  • les clauses qui permettent un renouvellement d’un contrat sans prévoir une possibilité d’opposition à ce renouvellement ou un délai raisonnable de résiliation ;
  • les clauses qui limitent les modes de preuve pouvant être apportés par une partie ;
  • les clauses qui fixent des montants de dommages et intérêts réclamés en cas d’inexécution ou de retard dans l’exécution des obligations de l’autre partie qui dépassent manifestement l’étendue du préjudice susceptible d’être subi ;
  • les clauses qui placent les risques commerciaux sur une entreprise alors que, selon le secteur économique concerné, ils doivent peser sur l’autre partie.

Ces listes ne sont toutefois pas exhaustives et dans la pratique, le caractère abusif d’une clause peut être rapporté si elle crée, ensemble ou avec d’autres, un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties.

N’hésitez pas à nous contacter en cas de question sur l’opposabilité ou le contenu de vos conditions générales !

Blandine de Lange

Avocate

blandine.delange@moov.law

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