Droit civil Droit des contrats

Livre 5 du nouveau Code civil : Bref aperçu de la réforme en droit des obligations

Date de publication

12 mai 2022

Le livre 5 intitulé “Les obligations” du nouveau Code civil a été adopté ce 21 avril 2022. Il entrera en vigueur six mois après sa publication au Moniteur belge.

Outre les quelques nouveautés substantielles qu’il apporte, le livre 5 donne désormais une base légale à plusieurs principes jurisprudentiels établis. Il se veut également plus structuré, lisible, et accessible que l’ancien Code civil. Il veille enfin à rechercher un meilleur équilibre entre l’autonomie de la volonté des parties et les pouvoirs conférés au juge, en sa qualité de gardien des intérêts de la partie faible et de l’intérêt général.

Voici un bref aperçu des innovations apportées par le livre 5 :

1. L’interdiction générale des clauses abusives (art. 5.52)

Les clauses abusives sont interdites depuis de nombreuses années dans les relations entre un professionnel et un consommateur (B2C), conformément aux articles VI.82 et suivants du Code de droit économique. En outre, une réglementation des clauses abusives dans les rapports entre entreprises (B2B) est également reprise aux articles VI.91/1 et suivants du Code de droit économique.

Ce cadre législatif ne concerne actuellement pas les relations entre consommateurs (C2C) et souffre d’une insécurité juridique quant à l’inclusion, ou non, des pouvoirs publics et des ASBL dans la notion d’entreprise.

L’article 5.52 prévoit désormais une interdiction des clauses abusives dans les rapports entre consommateurs (C2C) et, de manière générale, pour tout contrat n’entrant pas dans le champ d’application des articles VI.82 et suivants (B2C), et VI.91/1 et suivants du Code de droit économique (B2B).

Cet article veille néanmoins à limiter ses effets aux principes de liberté contractuelle, de proportionnalité et de sécurité juridique, et ne porte pas atteinte aux réglementations particulières sectorielles des clauses abusives.

2. La nullité extrajudiciaire (art. 5.59)

Actuellement, la partie habilitée à se prévaloir d’une cause de nullité du contrat doit introduire une procédure judiciaire avant de pouvoir se délier du contrat.

L’alinéa 3 de l’article 5.59 apporte une nouveauté dès lors qu’il permet désormais au titulaire de la nullité d’invoquer celle-ci de manière extrajudiciaire par la voie d’une notification écrite aux autres parties au contrat.

Les effets de l’annulation par voie de notification sont néanmoins limités aux obligations ou aux clauses entachés de nullité si elles sont divisibles du reste du contrat. Ainsi, le fait que la notification soit donnée à toutes les autres parties au contrat n’implique pas nécessairement que le contrat sera annulé à l’égard de l’ensemble de ces parties.

L’annulation par voie de notification intervient aux risques et périls de la partie dont elle émane, et peut dès lors être contestée en justice.

3. La théorie de l’imprévision en cas de changement de circonstances (art. 5.74)

Les limites de la théorie de l’imprévision (« hardship ») ont été largement évoquées lors de la pandémie Covid-19. Malgré les graves bouleversements économiques et imprévisibles que cette pandémie a eu sur bon nombre de contrats à long terme, l’ancien Code civil ne permet pas, en l’absence d’une clause de hardship, à une partie de demander la révision du contrat, quand bien même l’exécution en serait devenue plus onéreuse.

L’article 5.74 permet désormais au débiteur de demander au créancier de renégocier le contrat en vue de l’adapter ou d’y mettre fin lorsque les conditions suivantes sont réunies:

  • Il existe un changement de circonstances rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse de sorte qu’on ne puisse raisonnablement l’exiger,
  • ce changement était imprévisible lors de la conclusion du contrat,
  • ce changement n’est pas imputable au débiteur,
  • le débiteur n’a pas assumé ce risque, et
  • la loi ou le contrat n’exclut pas cette possibilité.

En cas de refus ou d’échec des renégociations dans un délai raisonnable, chaque partie peut saisir le juge.

4. L’inexécution anticipée par notification (art. 5.93)

L’article 1184, alinéa 3, de l’ancien Code civil dispose que la résolution doit être demandée en justice. La Cour de cassation avait néanmoins admis la résolution par notification permettant au créancier, confronté à une inexécution qui serait suffisamment grave pour justifier la résolution judiciaire, de résoudre, à ses risques et périls, tout contrat par simple notification de sa décision.

L’article 5.93 apporte un fondement légal à cette jurisprudence et permet la résolution par simple notification écrite et motivée du créancier, sans recours préalable au juge, et ce, même en l’absence d’une clause résolutoire. Il s’agit donc, pour le créancier victime d’une inexécution fautive, d’une troisième voie pour résoudre le contrat, à côté de la résolution judiciaire et de la résolution non judiciaire en vertu d’une clause résolutoire.

L’article 5.93 apporte néanmoins deux limites :

  • L’inexécution doit être suffisamment grave pour justifier la résolution.
  • Le créancier agit “à ses risques et périls”.

Conformément au droit commun et aux exigences de la bonne foi, la notification sera, en règle générale, précédée d’une mise en demeure constatant les défaillances du débiteur.

Si la notification est irrégulière ou abusive elle sera frappée d’inefficacité. Le débiteur pourra alors demander au juge de déclarer la résolution fautive et il pourra faire appel aux sanctions de l’inexécution et à la responsabilité contractuelle du créancier.

5. La réduction du prix en tant que sanction (art. 5.97)

L’ancien Code civil ne contient aucun texte général donnant, pour tout contrat,  le droit à un créancier de réclamer ou d’appliquer une réduction du prix, lorsque son cocontractant n’a exécuté qu’en partie son obligation. Néanmoins, cette pratique se rencontre fréquemment dans les ventes commerciales et les prestations de services.

L’article 5.97 reconnaît désormais la réduction du prix comme une nouvelle sanction en droit commun des contrats.

Ne constituant pas la réparation d’un dommage mais une mesure de rééquilibrage du contrat, l’article 5.97 apporte néanmoins les limites suivantes :

  • La réduction de prix ne peut être invoquée que si l’inexécution présente un caractère minime, en ce sens qu’elle n’est pas suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat.
  • La réduction de prix doit porter sur la différence entre la valeur de la prestation reçue et la valeur de la prestation convenue au moment de la conclusion du contrat.

Barbara Catalano

Avocate

Barbara.catalano@moov.law

Actualités