Circulation routière Droit de l’entreprise

L’obligation de communiquer l’identité du conducteur d’un véhicule immatriculé au nom d’une personne morale

Date de publication

12 janvier 2024

Dans le but d’accroitre la sécurité routière et de responsabiliser les entreprises, le législateur belge a inséré deux dispositions importantes dans notre arsenal législatif que sont les articles 67bis et 67ter la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière (la « LCR »).

Ces dispositions, souvent peu/pas connues des entreprises, exposent celles-ci à des sanctions pénales extrêmement lourdes qu’il nous a paru utile de rappeler.

En Belgique, une plaque d’immatriculation peut être enregistrée au nom d’une personne physique ou d’une personne morale. En cas d’infraction routière, et lorsque le conducteur n’a pu être identifié sur place (le cas du flash, par exemple), la personne physique au nom de laquelle la plaque d’immatriculation est enregistrée est présumée (jusqu’à preuve du contraire) être l’auteur de l’infraction (art. 67bis LCR).

Lorsqu’un véhicule est immatriculé au nom d’une personne morale, la poursuite de l’auteur de l’infraction (par essence, une personne physique) nécessite que la personne morale communique au Ministère Public (à la demande de ce dernier), l’identité du conducteur du véhicule au moment des faits.

Il est trop souvent ignoré par les entreprises que l’article 67ter de la LCR instaure un régime de responsabilité pénale à charge des personnes morales mais également des personnes physiques qui les représentent en droit. Concrètement, lorsqu’une personne morale en représente une autre, ladite personne morale a l’obligation de désigner une personne physique en tant que représentant permanent de ce mandat (art. 2:55 du Code des Sociétés et des Associations). Cette personne physique supporte solidairement, avec la personne morale qu’elle représente, les responsabilités civiles et pénales que celle-ci est susceptible d’encourir.

Ces représentants permanents (au même titre que les autres personnes physiques qui représentent la personne morale en droit) sont directement concernés par l’article 67ter dans le but d’empêcher les personnes physiques responsables de se dissimuler derrière des personnes morales.

Deux obligations distinctes pèsent sur ces acteurs (personne morale ou ses représentants physiques), la simple violation de celles-ci suffisant à considérer l’infraction comme établie, aucune intention particulière dans leur chef n’étant requise.

Première obligation : communication de l’identité du contrevenant dans un délai imparti

Lorsqu’une infraction est constatée avec un véhicule immatriculé au nom d’une personne morale, le Ministère public envoie généralement une demande de renseignements au siège social de la société afin d’obtenir l’identité du conducteur contrevenant.

Dans les quinze jours de l’envoi de cette demande, la personne morale et/ou son représentant physique doivent communiquer l’identité du conducteur incontestable ayant commis l’infraction.

S’ils ne connaissent pas son identité, ils doivent communiquer l’identité de la personne responsable du véhicule dans le même délai. Si le ministère public envoie une demande de renseignements à la personne responsable indiquée mais qu’elle n’était pas le conducteur au moment des faits, celle-ci doit également communiquer l’identité du conducteur incontestable, dans un même délai.

Ainsi, cette première obligation de communication établit une responsabilité de dénonciation en cascade à charge de différents acteurs, en vue de l’obtention de l’identité du conducteur ayant commis l’infraction routière.

Notons que dès l’instant où la personne morale n’est pas en mesure de communiquer l’identité du conducteur incontestable du véhicule ou de la personne responsable du véhicule, l’infraction est établie. De même, la société qui satisfait à son obligation de communication sans toutefois respecter le délai imparti s’expose à des poursuites pénales. Le délai de réponse étant extrêmement court, il est requis d’être bien organisé en interne.

Seconde obligation : organisation interne pour assurer le respect de l’obligation de communication

Dans la lignée de ce qui précède, l’article 67ter met à charge des personnes morales et/ou de ses représentants physiques, l’obligation de prendre les mesures nécessaires afin d’être en mesure de satisfaire à leur obligation de communication.

Il est donc requis que la personne morale se munisse de moyens et systèmes internes efficaces lui permettant d’identifier et de communiquer l’identité incontestable du conducteur ayant commis une infraction au volant d’un véhicule immatriculé au nom de la société et ce, dans le délai imparti par la loi. En d’autres termes, chaque personne morale titulaire de véhicules mis à la disposition de son personnel doit implémenter, en son sein, un système (proportionné à sa taille) lui permettant de connaître en toute heure, qui est au volant de quel véhicule de la flotte de la société (un logiciel informatique, un livre à compléter et signer en prenant les clés d’un véhicule, etc.).

A cet égard, et sauf exceptions, le juge considérera que si une personne morale (ou la personne physique qui la représente en droit) n’a pas été capable d’identifier le conducteur d’un de ses véhicules (première obligation), c’est parce qu’elle ne s’est pas dotée de moyens adéquats pour y parvenir (seconde obligation).

Sanctions de l’article 67ter LCR

Considérant (à juste titre) qu’en raison de sa négligence, la personne morale et/ou la personne physique qui la représente en droit a empêché le Ministère public de poursuivre un automobiliste contrevenant à la loi, la violation de l’article 67ter est punie très sévèrement par la loi.

En effet, la loi prévoit que si une personne physique qui représente la personne morale en droit viole ces obligations légales, elle engage sa responsabilité pénale en son nom propre et encourt de très lourdes sanctions : un emprisonnement de quinze jours à six mois et/ou une amende effective oscillant entre 1.600 € et 32.000 € euros (article 29ter de la LCR). En cas de récidive dans les trois ans d’une condamnation pour des faits identiques, ces peines sont doublées.

Si une personne morale viole ces obligations légales, elle engage également sa responsabilité pénale en son nom propre et encourt également des sanctions pouvant gravement nuire à la santé financière de la société. Une infraction à l’article 67ter est punie d’une amende effective oscillant entre 4.000 € et 96.000 € (hors récidive, article 41bis, §1er du Code pénal).

Cas particulier des véhicules immatriculés au nom d’une société de location ou de leasing

Par souci de pragmatisme, un système permettant aux personnes morales propriétaires d’un véhicule (telles que les sociétés de leasing engagées dans des contrats de location de longue durée avec des clients) a été mis en place afin qu’elle puisse encoder l’identité du conducteur habituel de ce véhicule à la Banque-Carrefour des Véhicules via la plateforme FMS, directement accessible au Ministère Public, qui n’est dès lors pas contraint d’interroger le titulaire de la plaque d’immatriculation.

Dès lors, la présomption habituelle faisant d’une personne physique titulaire d’une plaque d’immatriculation l’auteur présumé de l’infraction (jusqu’à preuve du contraire), s’applique au cas de ce conducteur habituel.

Responsabilité pénale et non civile

L’article 67ter de la LCR instaure un régime de responsabilité pénale de la société, se différenciant ainsi du scénario plus fréquent dans lequel une société est poursuivie, devant le juge pénal, en sa qualité de civilement responsable des amendes et frais prononcés à charge de l’un de ses employés ayant commis une infraction routière dans le cadre de ses fonctions.

Conclusion

Ces derniers mois nous ont donné l’occasion de constater que les poursuites fondées sur les articles 67bis et 67ter de la LCR avaient tendance à se multiplier et que bien souvent, les personnes concernées (et tout particulièrement les personnes physiques représentant les personnes morales) n’avaient pas/peu connaissance de ces dispositions législatives.

Les développements qui précèdent démontrent pourtant combien il est primordial de traiter les demandes de renseignements émanant du Ministère public dans le délai imparti et d’implémenter en interne les mesures nécessaires pour les traiter correctement.

Cela permettra à la société (et/ou ses représentants physiques) de conserver un casier judiciaire vierge et de ne pas se voir infliger une lourde amende financière qu’aucune police d’assurance ne prendra en charge, s’agissant d’une condamnation pénale.

Plus fondamentalement encore, la communication de l’identité du conducteur permet au Ministère Public de poursuivre l’automobiliste contrevenant et partant, d’avoir un impact société positif en renforçant la sécurité routière dans l’intérêt de tous les citoyens (et de l’entreprise).

N’hésitez pas à contacter notre département Responsabilité et Assurances qui se fera un plaisir de vous assister et conseiller dans ce domaine.

Isaline GODIN et Elsa MÉLON

isaline.godin@moov.law

elsa.melon@moov.law

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