Droit européen

L’UE s’attaque aux allégations environnementales trompeuses

Date de publication

15 mars 2024

I. Historique

Le 30 mars 2022, la Commission a présenté une proposition de directive européenne sur les allégations écologiques[1] visant à compléter l’interdiction du greenwashing. L’interdiction du greenwashing avait déjà été approuvée par le Parlement européen le 17 janvier 2024, et prend forme dans la directive 2024/825 du 28 février 2024[2] qui définit le type d’information que les entreprises doivent fournir pour justifier leurs allégations de marketing environnemental.[3]

Le 19 septembre 2023, le Parlement européen et le Conseil de l’Union Européenne ont conclu un accord provisoire concernant la proposition de directive européenne relative à la régulation des allégations environnementales.

Le 14 février 2024, c’est au tour des commissions du marché intérieur et de l’environnement d’adopter leur position sur les règles de validation des allégations de marketing environnemental des entreprises.

Le Parlement européen a voté le 12 mars 2024 la proposition de directive relative à la régulation des allégations environnementales lors de la séance plénière qui se tient cette semaine à Strasbourg.[4]

La proposition de directive ne s’applique pas aux micro-entreprises (i.e. avec moins de dix personnes et avec un profit de moins de deux millions par an).

II. Ratio legis et contenu de la proposition de directive

II.1. Ratio legis

Il ressort d’études menées au sein de l’UE, que 50% des allégations environnementales, comme les labels « eco-friendly », « green », etc. que l’on peut retrouver dans tous les supermarchés sont fausses, et induisent le consommateur en erreur.[5]

Afin de renforcer la crédibilité des labels de durabilité, et d’instaurer ainsi une confiance accrue dans les indications de durabilité, la proposition de directive s’attaque de front aux pratiques trompeuses et prône la transparence en vue de protéger au maximum le consommateur.

Il en va de même pour l’interdiction des allégations basées sur la compensation des émissions de gaz à effet de serre qui doivent viser à garantir que les entreprises ne puissent faire valoir des impacts environnementaux non vérifiés. Actuellement, 93% des allégations d’émissions carbones se sont révélées fausses selon la commission du marché intérieur.[6]

II.2. Concernant la certification environnementale (ou « environmental labelling scheme ») et le contrôle

La proposition de directive vise à établir avec clarté les éléments essentiels du système de certification. Afin de faciliter la communication des entreprises à propos de leur marketing environnemental, la proposition de directive introduit un étiquetage harmonisé, fournissant des informations sur la garantie commerciale de durabilité offerte par les producteurs, avec une référence à la garantie légale de conformité. Un avis sera également affiché de manière bien visible dans les magasins et sur les sites pour informer les consommateurs sur la garantie légale de conformité, renforçant ainsi la transparence dans les transactions commerciales.

La Commission publiera la liste des certificats environnementaux officiellement reconnus pour le marché de l’UE afin de permettre une certification contrôlée.

Les États membres quant à eux devront s’assurer que les entreprises réalisent une évaluation pour étayer des affirmations environnementales, en respectant un certain nombre d’exigences.

Les entreprises devront notamment :

  • préciser si l’affirmation concerne l’ensemble du produit ou une partie de celui-ci, ou si l’affirmation concerne toutes les activités d’une entreprise ou seulement certaines d’entre elles ;
  • baser les affirmations sur des preuves scientifiques largement reconnues, en utilisant des informations précises et des normes internationales ;
  • adopter une perspective du cycle de vie ;
  • prendre en compte tous les aspects et impacts environnementaux significatifs pour évaluer la performance environnementale ;
  • démontrer que l’affirmation n’est pas équivalente aux exigences imposées par la loi ;
  • fournir des informations sur le fait que le produit ou l’entreprise faisant l’objet de l’affirmation performe significativement mieux que la pratique habituelle ;
  • vérifier qu’une réussite positive n’a pas d’impacts nuisibles sur le changement climatique, la consommation de ressources et la circularité, l’utilisation durable et la protection de l’eau et des ressources marines, la pollution, la biodiversité, le bien-être animal et les écosystèmes ;
  • inclure des informations primaires (mesurées directement ou collectées par l’entreprise), ou si ces informations ne sont pas disponibles, fournir des informations secondaires (provenant par exemples d’études réalisées par des ingénieurs)[7]
  • etc.

La Commission sera autorisée à adopter des actes délégués pour modifier ces exigences, par exemple pour établir des règles spécifiques basées sur le cycle de vie pour certains groupes de produits et secteurs.

Pour les PME, les Etats-Membres devront fournir une aide pour qu’elles puissent se conformer à la proposition de directive en sensibilisant, en fournissant un soutien financier et en établissant des mécanismes d’assistance technique.

Les autorités compétentes nationales devront effectuer des contrôles réguliers des allégations environnementales explicites et des programmes de certification appliqués, avec publication des résultats.

Des sanctions seront applicables en cas d’infractions, selon un système établi par les États membres.

II.3. Concernant les interdictions

Un autre aspect clé de la proposition directive réside dans l’interdiction des pratiques suivantes :

  • l’obsolescence précoce ;
  • les mises à jour logicielles inutiles ; et
  • l’obligation injustifiée d’acheter des pièces de rechange spécifiques.

III. Conclusion

Cette semaine marque la fin d’un long parcours entamé il y a déjà deux ans par la Commission.

La proposition de directive est une étape cruciale dans la manière dont les entreprises communiquent leurs efforts en matière d’environnement. C’est un signal fort de l’engagement de l’Union européenne envers une consommation plus responsable et une incitation à repenser nos modes de production et de consommation, et surtout une protection renforcée du consommateur contre les allégations environnementales trompeuses. Cette détermination se traduit par la volonté de mettre à la disposition des consommateurs une palette complète d’outils, visant à accroître leur compréhension des pratiques de production et des impacts environnementaux des produits. L’objectif est de favoriser une consommation avertie.

En mettant l’accent sur la transparence et la disponibilité d’informations fiables, l’Union européenne aspire à encourager une transformation positive des habitudes de consommation, mais aussi à réglementer le marketing environnemental des entreprises de façon stricte.

> Avec une période de transition de 24 mois laissée aux États membres pour s’adapter, cet accord marque une avancée significative vers une consommation plus éclairée et respectueuse de l’environnement au sein de l’Union européenne.

Alix Nieuwenhuys

Avocate

alix.nieuwenhuys@moov.law 


[1] La Commission européenne, le 30 mars 2022, « Proposal for a directive of the European parliament and of the council amending Directives 2005/29/EC and 2011/83/EU as regards empowering consumers for the green transition through better protection against unfair practices and better information”, url: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A52022PC0143&qid=1649327162410

[2] Directive (UE) 2024/825 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2024 modifiant les directives 2005/29/CE et 2011/83/UE pour donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition verte grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et grâce à une meilleure information, ici.

[3] Cette directive ne fera pas l’objet d’une analyse plus poussée dans cet article, pour de plus amples informations vous pouvez consulter cette page.

[4] Agenda de la séance plénière du parlement européen, mars 2024 : https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/OJ-9-2024-03-11-SYN_EN.html

[5] Conférence de presse d’Andrus ANSIP et Cyrus ENGERER, co-rapporteurs concernant la Directive sur les allégations écologiques (ou « Green Claims Directive »), à consulter ici.

[6] Conférence de presse d’Andrus ANSIP et Cyrus ENGERER, co-rapporteurs concernant la Directive sur les allégations écologiques (ou « Green Claims Directive »), à consulter ici.

[7] https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2023/753958/EPRS_BRI(2023)753958_EN.pdf

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