Droit de l’insolvabilité

Proposition de loi simplifiant le droit à l’effacement : un nouveau départ quasiment inconditionnel pour le failli personne physique ?

Date de publication

18 février 2022

Le mécanisme d’effacement des dettes prévu au nouvel article XX.173 du Code de droit économique [1] (ci-après « CDE ») est une grande avancée en matière de droit de l’insolvabilité, en ce qu’il donne une véritable seconde chance au failli (un « fresh start »). Ce nouveau système permet en effet au failli de demander l’effacement de toutes ses dettes (à l’exception des dettes alimentaires et des dettes en réparation d’un dommage lié à l’intégrité physique) que l’actif disponible ne permet pas de résorber.

Cette idée d’effacement est une simplification par rapport à l’ancien système d’excusabilité [2] qui prévoyait que le failli, s’il avait été déclaré excusable sur la base d’une requête en ce sens soumise au Tribunal de l’Entreprise, ne pouvait plus être poursuivi par ses créanciers pour les dettes antérieures à sa faillite. Pour obtenir l’excusabilité, le failli devait prouver qu’il était malheureux et de bonne foi.

Avec le nouveau mécanisme d’effacement, le rôle du failli est simplifié puisque moyennant le dépôt d’une requête auprès du Tribunal de l’Entreprise, il obtient en principe automatiquement le droit à l’effacement, sauf en cas d’opposition de toute personne intéressée qui démontrerait que le failli a commis des fautes graves et caractérisées ayant contribué à la faillite. À l’origine, la requête devait être introduite dans le délai de trois mois à dater de la publication du jugement du faillite. Ledit délai a néanmoins été annulé par la Cour constitutionnelle [3].

C’est dans ce contexte que la députée Kathleen Verhelst a déposé une proposition de loi ce 26 janvier 2022, visant à répondre aux arrêts de la Cour Constitutionnelle et à simplifier encore un peu plus le régime de l’effacement, en supprimant l’obligation pour le failli, d’introduire une requête en effacement. Le droit à un nouveau départ sera quasiment absolu. Quasiment… Car toute personne  intéressée (curateur, créancier, ministère public,…) pourra toujours s’opposer à l’effacement, en se basant notamment sur le rapport que le curateur déposera en même temps que la requête en clôture, mentionnant les motifs éventuels de refus de l’effacement. Ensuite, il pourra constater qu’il n’existe aucun motif susceptible d’empêcher l’effacement, introduire lui-même une requête en refus de l’effacement, ou laisser tout tiers intéressé introduire ladite requête, sur la base notamment de son rapport.

Une fois cette requête en opposition à l’effacement déposée, le Tribunal de l’Entreprise pourra refuser – partiellement ou totalement –  l’effacement par décision motivée. Un nouveau motif de refus est par ailleurs prévu à l’article XX.173§3 du CDE du projet de loi. En effet, le Tribunal pourrait refuser d’accorder l’effacement si le failli refuse de coopérer avec le curateur ou le juge-commissaire en omettant de fournir certaines informations ou en fournissant des informations incorrectes.

En résumé, le nouveau paragraphe 2 de l’article XX.173 du CDE poserait donc le principe de l’effacement automatique des dettes à la clôture de la faillite sauf si le curateur ou tout tiers intéressé s’y oppose.

Il ressort ainsi du projet de loi du 26 janvier 2022, une volonté de trouver un juste équilibre entre la possibilité pour le failli de recommencer automatiquement un nouveau départ et le fait « d’éviter que certaines personnes organisent une faillite frauduleuse pour se libérer de leurs dettes sans trop d’efforts » [4].

En supprimant le délai de forclusion, en rendant l’effacement quasiment automatique et en faisant reposer la charge de la preuve sur les épaules de l’opposant à l’effacement, l’auteure de cette proposition de loi entend clairement favoriser le droit à un nouveau départ, qui deviendrait – presque – inconditionnel.

Affaire à suivre…

Guillaume Stoop (gs@moov.law)

Hélène de Maere (hdm@moov.law)

Avocats

Le projet de loi est disponible ici : https://www.lachambre.be/flwb/pdf/55/2454/55K2454001.pdf


[1] Entré en vigueur le 1er mai 2018.

[2] Le système d’excusabilité était prévu aux anciens articles 80 à 82 de la loi sur les faillites.

[3] À ce sujet, nous renvoyons à notre autre article : https://moov.law/faillite-le-delai-de-3-mois-pour-deposer-une-requete-en-effacement-nest-plus/.

[4] Projet de loi, page 7.

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