Droit de l’insolvabilité

Prolongation des mesures provisoires prises en faveur des entreprises en difficultés

Date de publication

8 septembre 2022

Dans notre article du 15 juillet 2022, nous évoquions le retour à la hausse du nombre de faillites en 2022.

La faillite n’est cependant pas une fatalité puisqu’il existe de nombreux mécanismes permettant de tenter de préserver la continuité des entreprises dont le projet reste viable, parmi lesquels la procédure de réorganisation judiciaire ou la médiation d’entreprise.

La loi du 21 mars 2021 a adapté le livre XX du Code de droit économique (« CDE »), et en particulier les dispositions relatives à la procédure de réorganisation judiciaire (« PRJ »). Les objectifs de ces adaptations sont les suivants :

  • rendre la PRJ plus accessible aux entreprises en difficulté, en particulier les petites et moyennes entreprises, suite à la crise économique engendrée par la pandémie COVID-19 ;
  • préparer la transposition de la directive européenne du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficacité des procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes, et modifiant la directive (UE) 2017/1132 (la « Directive »), devant modifier substantiellement le régime de la PRJ en Belgique.

Voici un bref aperçu des aménagements et améliorations apportés par ces adaptations :

1. La procédure d’accès à la PRJ est assouplie

Auparavant, le débiteur était tenu d’annexer à sa requête en réorganisation judiciaire les nombreux documents visés à l’article XX.41 du CDE, sous peine d’irrecevabilité. Il s’agissait d’une règle assez contraignante pour les entreprises déjà en difficulté, qui se devaient d’introduire la procédure dans l’urgence, au vu de l’insistance de certains créanciers et de la menace éventuelle d’une faillite.

La nouvelle loi supprime cette sanction et permet désormais à l’entreprise n’ayant pas réuni ces nombreux documents au moment de l’introduction, de les communiquer en cours de procédure, mais au plus tard deux jours avant l’audience durant laquelle le Tribunal de l’entreprise décidera d’ouvrir ou non la PRJ.

Si malgré ce délai, l’entreprise n’est pas en mesure d’apporter les documents requis, elle devra alors déposer une note circonstanciée précisant les motifs pour lesquels elle est dans l’impossibilité de s’exécuter.

L’entreprise reste néanmoins dans l’obligation de joindre à sa requête (i) l’objectif pour lequel elle sollicite l’ouverture de la PRJ, (ii) l’adresse électronique à laquelle elle peut être jointe ainsi que (iii) les deux derniers comptes annuels ou déclarations à l’impôt des personnes physiques.

2. La création d’une phase préparatoire à la PRJ

La nouvelle loi crée en outre une phase préparatoire à la PRJ, permettant à une entreprise dont la continuité est menacée, à bref délai ou à terme, de demander la désignation d’un mandataire de justice au Président du Tribunal de l’entreprise.

Le Tribunal peut en effet désigner un mandataire de justice, sans que cette désignation ne soit publiée (ce qui permet de préserver la confidentialité de la procédure). Ce dernier pourra tenir des négociations avec un ou plusieurs créanciers en vue d’aboutir à un accord amiable ou de préparer un plan de réorganisation judiciaire (accord collectif).

N.b. : L’accord amiable suppose la participation d’au moins deux créanciers et doit être privilégiée si l’entreprise rencontre des difficultés temporaires avec peu de créanciers, comme par exemple un fournisseur et un bailleur disposés à consentir des termes et délais. En revanche, l’accord collectif concerne l’ensemble des créanciers de l’entreprise se trouvant plus lourdement en difficulté, et suppose un vote collectif des créanciers envers le plan de réorganisation judiciaire, tel que préparé par l’entreprise dans le cadre de la PRJ.

Durant cette phase préparatoire, le mandataire de justice pourra également tenter d’obtenir auprès du Tribunal de l’entreprise des termes et/ou délais proportionnés aux besoins de l’entreprise, dont la durée ne peut pas être supérieure à quatre mois.

Si le mandataire de justice parvient à trouver un accord préparatoire avec un ou plusieurs créanciers, il le soumettra au Tribunal de l’entreprise qui ouvrira alors une PRJ dite accélérée, en raison des délais de fixation plus brefs.

3. L’exonération fiscale est étendue

Enfin, les nouvelles dispositions étendent l’exonération fiscale, déjà prévue pour les accords obtenus par décision judiciaire, aux accords amiables. Le but étant évidemment d’encourager ceux-ci.

Les créanciers auront donc la possibilité d’exonérer les réductions de valeur et les provisions sur créances pour lesquelles un accord à l’amiable a été conclu. L’entreprise pourra, quant à elle, être exonérée sur les produits provenant de l’abattement de ces créances.

4. Entrée en vigueur et prolongations

Les mesures prévues dans la nouvelle loi ont néanmoins un caractère temporaire puisqu’elles devaient initialement rester en vigueur jusqu’au 30 juin 2021. Elles ont fait l’objet d’une première prolongation jusqu’au 17 juillet 2022.

Récemment, l’arrêté royal du 12 juillet 2022 a prolongé une seconde fois ces mesures temporaires jusqu’au 31 mars 2023.

Cette nouvelle prolongation est censée coïncider avec la date d’entrée en vigueur de la transposition de la Directive, mais le Roi dispose encore de la faculté de prolonger une troisième fois ce délai en cas de retard.

Nous suivrons bien entendu de près ces évolutions, et nous tenons à votre pleine disposition pour vous conseiller à ce sujet.

Barbara Catalano

Avocate

Barbara.catalano@moov.law

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